Inutile de le cacher, j'adore Victor Hugo.
Est-ce parce que je suis né dans la même ville que lui, que j'ai passé neuf ans de ma vie, de la sixième à la prépa dans le Lycée qui porte son nom ? Ou tout simplement car c'est bien difficile de ne pas aimer Victor Hugo et de ne pas être sensible à son incroyable capacité de création. Il se trouve aussi que Hugo maniait le chiasme avec génie.
Du célèbre
""Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière."" (Booz endormi, la légende des siècles)
au
"Rester dans le paradis, et y devenir démon, rentrer dans l'enfer, et y devenir ange !" (les misérables, chap 3).
Plus que des chiasmes littéraux de la forme ABBA, il s'agit le plus souvent de figures AB B' A' où le rapport entre A et A' et B et B' ne sont pas des rapports d'identité mais des rapports plus subtils d'opposition ou d'analogie.
Au delà du talent de Victor pour les chiasmes pourquoi en parler aujourd'hui ? En ce 16 février, il m'est juste impossible de ne pas penser à l'amour de sa vie, Juliette Drouet et de ne pas marquer à ma manière cet anniversaire, qu'il a lui même célébré pendant plus de 50 ans dans sa correspondance.
"Le 26 février, écrit Victor Hugo, je suis né à la vie, le 17 février 1833 je suis né au bonheur dans tes bras. La première date ce n'est que la vie, la seconde c'est l'amour. Aimer c'est plus que vivre..."
Sans doute suis-je un peu obsessionnel de cette date, et des chiasmes, mais cela réjouit mon âme de retrouver dans cette phrases ma figure de style favorite.
Et pour conclure voici deux poèmes inspirés par Juliette qui contiennent l'un et l'autre des chiasmes subtils phonétiques et/ou poétiques.
N'est-ce pas, mon amour, que la nuit est bien lente
Quand on est au lit seule et qu'on ne peut dormir?
On entend palpiter la pendule tremblante,
Et dehors les clochers d'heure en heure gémir.
L'esprit flotte éveillé dans les rêves sans nombre.
On n'a pas, dans cette ombre où manque tout soleil,
Le sommeil pour vous faire oublier la nuit sombre,
Ni l'amour pour vous faire oublier le sommeil.
N'est-ce pas, mon amour / Toute la Lyre VI-30
Oh! dis, te souviens-tu de cet heureux dimanche?
-Neuf juin! -Sur les rideaux de mousseline blanche
Le soleil dessinait l'ombre des vitres d'or.
Il te nommait son bien, sa beauté, son trésor.
Tu songeais dans ses bras. Heures trop tôt passées!
Oh! comme vous mêliez vos âmes, vos pensées!
Dehors tout rayonnait, tout rayonnait en vous,
Et vos ravissements faisaient le ciel jaloux.
Tes yeux rêveurs brillaient, pleins d'un vague sourire.
Aux instants où les coeurs se parlent sans rien dire,
Il voyait s'éclairer de pudeur et d'amour,
Comme une eau qui reflète un ciel d'ombre et de jour,
Ton visage pensif, tour à-tour pâle et rose;
Et souvent il sentait, ô la divine chose!
Dans ce doux abandon, des anges seul connu,
Se poser sur son pied ton pied charmant et nu.
Oh! dis, te souviens-tu - Toute la lyre - VI - 48
Hé Victor Hugo, la juliette va se marier, alors si tu la lâchais?
Rédigé par : le mari de juliette | 03 juillet 2009 à 21:40
Je découvre avec retard votre commentaire qui me concerne et me déconcerte. A vrai dire j'ignorais que Juliette allait se marier ou même avait un mari, doté de plus de l'amicale et imaginative adresse [email protected].
Cette note mérite-telle une telle réaction ? A lire la correspondance de Juliette, j'ai toujours eu l'impression qu'elle savait se défendre elle même plutôt bien. Et qu'elle n'avait jamais été la propriété de personne. Surtout pas la mienne, qui l'ai toujours considérée comme un être humain lumineux, un sujet libre et capable de décider pour elle même, et non comme une "épouse de", une possession à défendre, une prise de guerre à mettre au coffre.
Alors heureux mari ou futur mari de Juliette, soit. Je vais me faire plus petit encore - mon Dieu, j'avais déjà tellement rétréci - et éviter de lui marcher sur les pieds. Non pour vous - que je ne connais pas mais dont la vigueur à la défendre dit la passion - mais pour elle. Parce que je l'aime plus que vous ne pouvez l'imaginer et que, si vous disiez vrai, je veux pas prendre le risque de l'empêcher d'être heureuse. Non, je n'oublierai pas Juliette, pas un seul jour - Cela serait trop me demander. Peut être vais-je écrire la légende des siècles - cela devrait m'occuper pendant quelques temps.
J'ai juste un voeu. Prenez soin d'elle avec constance et douceur. Aimer - c'est Juliette qui me l'a rappelé - c'est d'abord et avant tout, prendre soin. Ce que je n'ai pas su ou pu faire et qui est pour moi une source de douleur immense. Ce que j'ai cherché à faire à ma manière, très mal surement, avec beaucoup de trop de mots, mais avec constance et avec passion, même si ma vie, et les engagements pris vis à vis de ceux qui la partagent et que j'aime avec tendresse, n'ont rendu la chose ni facile ni confortable.
Oui, prenez soin d'elle et bonne chance à vous deux. Je vous souhaite - vraiment - d'être heureux.
Rédigé par : Victor | 01 août 2009 à 12:04